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La descente victorieuse de Christ dans le séjour des morts

Le groupe de louange Hillsong, dans sa chanson « Oui je crois (le crédo) », a mis en musique le symbole des apôtres, une confession de foi chrétienne remontant au 4ième siècle après J.-C., mais dont les origines sont encore plus anciennes. L’une des strophes mentionne que Jésus est « descendu jusqu’aux ténèbres ».

Est-ce correct et vrai?

Qu’est-ce que cela signifie?

Et plus important encore, où était Jésus et qu’a-t-il fait entre sa mort et sa résurrection?

Ce que je propose dans cet article, c’est de faire une théologie biblique de la descente victorieuse de Jésus dans le séjour des morts[1].

1.1 Un mot sur la méthode

Il n’y a pas de textes de la Bible qui discute de façon directe ce qui s’est passé le samedi saint, c’est-à-dire entre la crucifixion le vendredi et la résurrection le dimanche.

Il y a cependant plusieurs textes qui font allusion à la « descente de Christ ». Pour produire un portrait détaillé de la « descente », il faut donc faire une triangulation de ces différents textes.

Le sens de certains textes est clair (par exemple, Matthieu 12.38-43; Actes 2.27, 31; Luc 23.43; Romains 10.7), tandis que d’autres textes sont plus obscurs (e.g., Éph 4.8; 1 Pi 3.18; 4.6).

Pour éclairer ce qui est difficile à discerner, il est méthodologiquement sain de procéder du plus clair au moins clair.

1.2 L’état intermédiaire et la révélation progressive

L’expression « état intermédiaire » est un terme que l’on utilise en théologie pour décrire où se trouvent les âmes et ce qu’elles font entre la mort et le jugement final. L’espérance finale du chrétien n’est pas « d’aller au ciel », mais de ressusciter et de vivre dans l’harmonie avec son Dieu face à face dans les nouveaux cieux et la nouvelle Terre. « Aller au ciel », c’est un état intermédiaire entre la mort et notre espérance ultime, la résurrection.

Un second concept que je souhaite présenter, c’est celui de la révélation progressive. C’est l’idée que ce que l’on connait de Dieu et sur sa création se précise à chaque page de la Bible, et cela inclut l’état intermédiaire.

Quand on étudie la doctrine de « l’état intermédiaire » dans l’Ancien Testament, on observe qu’il y a plusieurs développements entre ce que l’on tient pour acquis en tant que participants dans la nouvelle alliance (i.e., des chrétiens) et ce que vivait les membres du peuple de Dieu dans les périodes avant la résurrection du Christ.

1.3 L’état intermédiaire dans l’Ancien Testament

Quand les gens meurent dans l’AT, leurs âmes descendent dans le « séjour des morts » (שְׁאוֹל, ἁδης; shéol en hébreux ou hadés en grec), un lieu qui est métaphoriquement décrit comme étant sous la terre. Tout le monde va dans le séjour des morts : les injustes et les gens de foi.

Par exemple, Koré et les rebelles ont été englouties et sont tombés vivants dans le séjour des morts (Nombres 16.30, 33) et c’était aussi la destination les mauvais rois (Ésaïe 14.9-11).

D’un autre côté, les gens de foi allaient aussi dans le séjour des morts. Par exemple, c’est là que Samuel et Ézéchias se trouvaient (1 Sam 28.11-19; Ésaïe 38.10). Quand le premier né de Bath-Schéba est décédé, David s’est écrié : « Maintenant qu’il est mort, pourquoi jeûnerais-je? Puis-je le faire revenir? J’irai vers lui, mais il ne reviendra pas vers moi » (2 Sam 12.23).

La façon dont l’AT parle des âmes des injustes dans le séjour des morts laisse comprendre qu’il s’agit d’un lieu de tourment, tandis que les gens de foi y sont dans la paix (e.g., Ésaïe 57.1-2).

En bref, dans l’AT, sheol/hadés/séjour des morts réfère au lieu où les âmes des justes et des injustes descendent après la mort; les justes dans la paix et les injustes dans le tourment. Tous y sont allés, à l’exception d’Énoch (Gen 5.21-24) et d’Élie (2 Rois 2.9-12) qui ont été pris par Dieu et amenés au ciel. Quoique les gens de foi espéraient que Dieu allait délivrer leurs âmes de la mort (e.g., Ps 16.9-11; 17.15; Ésaïe 25.8; Zach 9.11-12), ils descendaient néanmoins dans le séjour des morts où ils vivaient dans la paix.

1.4 La révélation progressive du NT à propos de l’état intermédiaire

Quand on arrive dans le NT, les textes nous permettent de comprendre que le séjour des morts est une énorme ‘région’ située ‘sous la terre’ (métaphoriquement) et divisée en plusieurs territoires.

L’histoire de Lazare et de l’homme riche racontée par Jésus est très instructive à ce sujet (Luc 16.19-31) :

19Il y avait un homme riche, qui était vêtu de pourpre et de fin lin, et qui chaque jour menait joyeuse et brillante vie. 20Un pauvre, nommé Lazare, était couché à sa porte, couvert d’ulcères, 21et désireux de se rassasier des miettes qui tombaient de la table du riche; et même les chiens venaient encore lécher ses ulcères. 22Le pauvre mourut, et il fut porté par les anges dans le sein d’Abraham. Le riche mourut aussi, et il fut enseveli. 23Dans le séjour des morts, il leva les yeux; et, tandis qu’il était en proie aux tourments, il vit de loin Abraham, et Lazare dans son sein. 24Il s’écria: Père Abraham, aie pitié de moi, et envoie Lazare, pour qu’il trempe le bout de son doigt dans l’eau et me rafraîchisse la langue; car je souffre cruellement dans cette flamme. 25Abraham répondit: Mon enfant, souviens-toi que tu as reçu tes biens pendant ta vie, et que Lazare a eu les maux pendant la sienne; maintenant il est ici consolé, et toi, tu souffres. 26D’ailleurs, il y a entre nous et vous un grand abîme, afin que ceux qui voudraient passer d’ici vers vous, ou de là vers nous, ne puissent le faire. 27Le riche dit: Je te prie donc, père Abraham, d’envoyer Lazare dans la maison de mon père; car j’ai cinq frères.  28C’est pour qu’il leur atteste ces choses, afin qu’ils ne viennent pas aussi dans ce lieu de tourments. 29Abraham répondit: Ils ont Moïse et les prophètes; qu’ils les écoutent. 30Et il dit: Non, père Abraham, mais si quelqu’un des morts va vers eux, ils se repentiront. 31Et Abraham lui dit: S’ils n’écoutent pas Moïse et les prophètes, ils ne se laisseront pas persuader quand même quelqu’un des morts ressusciterait.

Ce que l’on note ici, c’est que Lazare n’est pas allé au ciel : il est descendu dans une région du séjour des morts appelé « le sein d’Abraham ». Donc, le lieu des injustes dans le séjour des morts ET le sein d’Abraham sont situés dans le séjour des morts, mais sont séparés par un gouffre infranchissable. Le premier endroit est un lieu de tourment tandis que le second est un lieu de paix.

Le NT nous présente aussi une troisième région du séjour des morts, l’abysse/l’abîme/le tartare. Il s’agit d’une région des profondeurs de la Terre où des démons sont enfermées (Rom 10.6-7; 1 Pi 3.19; 2 Pi 2.4). Légion ne veut pas aller dans l’abysse (Luc 8.31), Pierre l’appelle le Tartare [LSJ : abîme de ténèbres] (2 Pi 2.4), Jude ‘les ténèbres’ (Jude 6) et Jean ‘le puit de l’abîme’ (Apo 9.1-2; 11.7; 17.8; 20.1, 3). Qui s’y trouvent? La lecture de Luc 8.31, de Jude 6-7 et d’Apocalypse 9 nous montrent qu’il s’agit d’un lieu où des démons qui « n’ont pas gardé leur dignité, mais qui ont abandonné leur propre demeure » en se livrant à des vices contre nature comme les habitants de Sodome et Gomorrhe (Jude 6-7), faisant référence à Genèse 6.1-4), sont enfermés.

Le NT parle aussi du Lac de feu. Il ne s’agit pas d’une région actuelle du séjour des morts, mais d’un endroit futur créé pour anéantir la réalité de la mort, du séjour des morts et du péché (Matt 5.22, 29-30; 10.28; 25.41; Apo 20.10, 13-15).

En bref, le séjour des morts est composé de différentes régions : le lieu des tourments, le sein d’Abraham et l’abysse/l’abîme/le tartare.

1.5 Jésus a annoncé qu’il irait dans le « sein de la terre » pendant 3 jours avant de resusciter

Dans Matthieu 12.38-42, les scribes et les pharisiens demandent un signe et Jésus leur dit que le seul signe qu’ils auront, c’est le signe de Jonas : « [Jésus] leur répondit: Une génération méchante et adultère demande un miracle; il ne lui sera donné d’autre miracle que celui du prophète Jonas. Car, de même que Jonas fut trois jours et trois nuits dans le ventre d’un grand poisson, de même le Fils de l’homme sera trois jours et trois nuits dans le sein de la terre » (Matt 12.39-40).  L’allusion à Jonas est importante, parce que dans Jonas 2.1-11 (v. 7 en particulier), le prophète explique avec du langage poétique qu’il est descendu dans le séjour des morts (c.-à-d., être dans le poisson). Donc Jésus s’applique à lui-même le signe de Jonas, ce qui implique une mort littérale, une descente littérale dans les régions inférieures de la Terre et une résurrection littérale.

On note cependant qu’ici il n’y a pas de détails. Jésus ne fait que dire qu’il sera trois jours « dans le sein de la terre ».

1.6 L’apôtre Pierre a déclaré que l’âme du Seigneur Jésus était dans le « séjour des morts » avant que Dieu le resuscite

Dans Actes 2.22-36, Pierre fait son premier sermon à la suite des réactions que suscite la parler en langues lors de la Pentecôte. Pierre fait l’argument que Jésus est Christ et Seigneur, puisque Dieu l’a resuscité. Pierre fait cette démonstration sur la base deux choses : (1) ils ont vu Jésus resuscité et (2) les Psaumes 16 et 110 prophétisaient la résurrection du Christ, le descendant du roi David avec qui Dieu avait conclu une alliance éternelle. En Actes 2.27, Pierre cite le Ps 16.10 « Car tu n’abandonneras pas mon âme dans le séjour des morts ». Pierre explique en Actes 2.29-33 qu’il faut comprendre le Ps 16 comme parlant de Jésus, un descendant de David, et non de David lui-même puisque David est mort et « que son sépulcre existe encore aujourd’hui parmi-nous ». Il conclut ainsi : « Comme il était prophète, et qu’il savait que Dieu lui avait promis avec serment de faire asseoir un de ses descendants sur son trône, 31c’est la résurrection du Christ qu’il a prévue et annoncée, en disant qu’il ne serait pas abandonné dans le séjour des morts et que sa chair ne verrait pas la corruption » (Actes 2.31-32).

Alors ce qu’il faut inférer de ce sermon de la Pentecôte, c’est que l’âme de Jésus est réellement descendue dans le séjour des morts avant que Dieu ne le resuscite.

1.7 Jésus a affirmé au larron qu’il serait « aujourd’hui » avec lui dans le paradis

Alors qu’il est sur la croix entouré des deux malfaiteurs co-crucifiés, Jésus déclare au repentant : « Je te le dis en vérité, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis » (Luc 24.43).

Cette donnée vient complexifier le portrait : Jésus s’est-il mêlé ? N’était-il pas sensé allé dans le « sein de la terre » (Matthieu 12.40) et dans le séjour des morts (Actes 2.27, 31) ? Gardez ces questions, nous y reviendrons plus tard au point 2.3.

1.8 Paul présume que Jésus est descendu dans l’abîme

Dans Romains 10, Paul avance que le salut s’obtient gratuitement par le moyen de la foi en Jésus. Il dit en Rom 10.6-7 : « Mais voici comment parle la justice qui vient de la foi: Ne dis pas en ton coeur: Qui montera au ciel? c’est en faire descendre Christ; 7ou: Qui descendra dans l’abîme? c’est faire remonter Christ d’entre les morts. » La justice qui vient de la foi, c’est ‘croire que l’on est sauvé par la foi’. Cette justice de la foi ne dit JAMAIS « Qui montera au ciel » (ce que l’on peut paraphraser par ‘qui peut mériter son ciel ?’), parce que c’est impossible de mériter son ciel. Alors dire « Qui montera au ciel », c’est une chose impossible à dire tout comme il est impossible de « faire descendre le Christ ». Pourquoi est-ce impossible de « faire descendre le Christ ? » Parce que Christ est déjà descendu et est déjà remonté ! C’est le même principe au v.7 : c’est impossible de dire « qui descendra dans l’abîme », parce que cela revient à faire quelque chose d’impossible comme « remonter Christ d’entre les morts ». C’est impossible à faire, car Dieu a déjà resuscité Christ d’entre les morts !

Alors ici, on observe que Paul présume que la descente du Christ vers les morts et son ascension au ciel est un fait bien connu. Il ne parle pas de ces choses directement, mais il en fait allusion dans le contexte de sa discussion sur la foi comme moyen de recevoir gratuitement le salut.  

1.9 Pierre affirme que Jésus a prêché aux esprits en prison

En 1 Pierre 3.18-20, on lit ceci :

« 18Christ aussi a souffert une fois pour les péchés,

lui juste pour des injustes,

afin de nous amener à Dieu, ayant été mis à mort quant à la chair,

mais ayant été rendu vivant quant à l’Esprit,

19dans lequel aussi il est allé prêcher aux esprits en prison,

20qui autrefois avaient été incrédules, lorsque la patience de Dieu se prolongeait, aux jours de Noé, pendant la construction de l’arche, dans laquelle un petit nombre de personnes, c’est-à-dire, huit, furent sauvées à travers l’eau »

Au v. 19, le « dans lequel » nous indique que Jésus est allé en esprit « prêché aux esprits en prison ». L’identité de ces « esprits » est précisée au v. 20 : ce sont ceux qui furent incrédules au temps de Noé. Il ne s’agit pas des humains qui ont péri lors du déluge, mais des anges désobéissants de Gen 6.1-4, comme l’indique le parallèle 2 Pi 2.4-9 et Jude 6-7. La « prison » fait probablement référence à l’abîme ou au puit de l’abîme. Le terme pour « prêcher » ne fait pas référence à l’évangile ou à une prédication de la deuxième chance. Jésus est descendu dans cette prison où des démons étaient retenus pour leur annoncer leur défaite ultime. Il est descendu pour leur annoncer que la mort est morte et que Satan vient de perdre sa puissance.

1.10 Le Jésus conquérant de l’Apocalypse affirme qu’il possède les clefs de la mort et du séjour des morts

Dans Apocalypse 1.18, nous lisons : « Ne crains point!  18Je suis le premier et le dernier, et le vivant. J’étais mort; et voici, je suis vivant aux siècles des siècles. Je tiens les clefs de la mort et du séjour des morts ». Le Jésus resuscité nous dit qu’il tient les clefs de la mort et du séjour des morts. Ceci présume une descente et une bataille, bataille durant laquelle il a dépouillé la mort et le séjour des morts de l’autorité qu’ils détenaient pour garder captif les morts de toutes les époques avant que Jésus ne descende victorieux dans la mort pour vaincre la mort !

1.11 Récapitulation de ce que l’on a appris jusqu’à ce point-ci

À ce point-ci, on sait que Jésus est allé à plusieurs endroits entre sa mort et sa résurrection :

1) dans le sein de la terre (Matt 12.39) et les régions inférieures de la terre (Éph 4.8-10)

2) dans le séjour des morts (Actes 2.27, 31)

3) dans le paradis (Luc 23.43)

4) dans l’abîme (Rom 10.6-7)

5) dans la mort et le séjour des morts (Apo 1.18)

6) dans la « prison » (1 Pi 3.18-19)

Et on sait que la durée de son séjour dans le « sein de la terre » était de « 3 jours et 3 nuits » (Matthieu 12.39). Alors… comment doit-on comprendre la contradiction d’apparence entre le fait qu’il a dit au larron qu’il serait aujourd’hui avec lui dans le paradis (Luc 23.43) et qu’il serait aussi 3 jours dans le séjour des morts? J’y répond dans le point 2.4.

Dans la prochaine section, je vais présenter 5 effets de la descente victorieuse de Jésus dans le séjour des morts.

2.1 Le Christ a conquis la mort : il est descendu dans le séjour des morts, car son corps était mort, mais il était vivant dans son Esprit même dans sa mort, parce qu’il a parfaitement accompli la volonté de Dieu–il avait la vie éternelle.

Dans 1 Pierre 3.18-19, on retrouve un petit hymne résumant la Bonne Nouvelle:

18Christ aussi a souffert une fois pour les péchés,

lui juste pour des injustes,

afin de nous amener à Dieu,

ayant été mis à mort quant à la chair,

mais ayant été rendu vivant quant à l’Esprit, [à l’esprit?]

19dans lequel aussi il est allé prêcher aux esprits en prison

À la fin du v. 18, nous lisons que Christ “a été mis à mort quant à la chair.” C’est-à-dire que Jésus est mort physiquement à la croix. La ligne suivante nous dit qu’il a été “rendu vivant quant à l’Esprit“. Le terme “Esprit” a une lettre majuscule en français dans la traduction Segond 1979, ce qui laisse penser qu’il s’agit de “quant à l’Esprit-Saint.” Dans les faits, il s’agit d’une décision d’interprétation, car dans la langue originale il n’y a pas de “lettre majuscule” permettant de distinguer s’il s’agit d’une référence à “l’esprit de Jésus” ou de “l’Esprit[-Saint]“. Voici 3 raisons pourquoi je crois qu’il s’agit de l’esprit de Jésus qui est en question ici (la partie immatérielle de son être): (1) il s’agit d’un contraste entre chair/corps/matière et esprit/partie immatérielle entre les 2 lignes (“mis à mort dans son corps… rendu vivant par rapport à son esprit“; (2) le “dans lequel” du v. 19 réfère grammaticalement à “l’esprit“, ce qui se comprend avec ce qui vient juste avant. Bref, comment Jésus est-il allé “en prison“? Pas avec son corps, mais avec son esprit. (3) Jésus se rend dans un lieu appelé “la prison” où il y a des esprits démoniaques (voir les versets suivants). Il convient donc, au niveau du sens, que le mot “esprit” (dans le sens de partie immatérielle d’un être) réfère au même sens quelques mots plus loin pour le même mot (“esprits en prison“).

Ayant dit-cela, qu’est-ce que cela veut dire? Jésus “a été mis à mort quant à la chair” – c’est-à-dire que Jésus est mort physiquement à la croix. Puis, il a été “rendu vivant quant à l’esprit” – c’est-à-dire que Jésus n’est pas mort spirituellement à la croix. Il est mort dans son corps, mais il est demeuré vitalement et éternellement connecté à Dieu. Jésus est descendu dans le séjour des morts, car son corps était mort, mais il était vivant dans son esprit même dans sa mort, parce qu’il a parfaitement accompli la volonté de Dieu–il avait la vie éternelle.

À l’inverse, sans la nouvelle naissance, nous sommes vivants dans nos corps et morts dans notre esprit. Jésus n’a pas subi la mort et attendu la résurrection comme n’importe quel mortel. Jésus est descendu victorieusement dans le séjour des morts et il a proclamé sa victoire sur le maitre de la mort, Satan! C’est la puissance d’une “vie impérissable” (Héb 7.16).

Qu’est-ce que cela change? Cet hymne sur Jésus et sa victoire sur la mort est cité pour nous encourager à souffrir pour le bien: “Car il vaut mieux souffrir, si telle est la volonté de Dieu, en faisant le bien qu’en faisant le mal, car Christ aussi a souffert… ” (1 Pierre 3.17). À cause de la victoire de Christ, nous pouvons lui demander l’aide dont nous avons besoin pour ne pas aimer nos vies terrestres plus que lui, ni plus que les convoitises qui nous consomment. Celui qui meurt face au monde vit devant Dieu – il n’y a pas d’autre vie que d’être vivant devant Dieu, même si tu es physiquement mort. Il n’y a pas de mort plus mensongère que la vie ses convoitises qui nous laissent penser que nous-sommes pleinement vivants.

2.2 Jésus est descendu victorieux dans le séjour des morts pour arracher l’autorité et le pouvoir de Satan sur la mort (Apo 1.18; Héb 2.14-15).

Jésus n’a pas subi la mort et attendu la résurrection comme n’importe quel mort. Jésus est descendu victorieusement dans le séjour des morts et il a proclamé sa victoire sur le maitre de la mort, Satan!

Dans Apocalypse 1.18, nous lisons ceci : « Ne crains point!  18Je suis le premier et le dernier, et le vivant. J’étais mort; et voici, je suis vivant aux siècles des siècles. Je tiens les clefs de la mort et du séjour des morts ». Les paroles de Jésus indiquent qu’il est maintenant en possession des clefs de la mort et du séjour des morts. La mort et le séjour des morts n’ont pas gentiment cédé leur autorité, mais elle leur a été arraché.  Jésus est descendu dans le séjour des morts pour arracher à la mort, au séjour des morts et à Satan les clefs de leur victoire.

Jésus est descendu non pas comme une victime, mais comme un aigle qui fond sur sa proie. Il est descendu dans le séjour des morts comme l’Éternel est descendu en Égypte pour guider son peuple à bras étendu et avec de grands prodiges. Il est descendu dans le séjour des morts comme un guerrier pour battre et lier le destructeur.

Hébreux 2.14-15 : « Ainsi donc, puisque les enfants participent au sang et à la chair, il y a également participé lui-même, afin que, par la mort, il anéantît celui qui a la puissance de la mort, c’est-à-dire le diable, 15et qu’il délivrât tous ceux qui, par crainte de la mort, étaient toute leur vie retenue dans la servitude. » 

Jésus a purifié à deux reprises le temple de Jérusalem des vendeurs hypocrites avec une pleine autorité et une colère juste. Pouvez-vous vous imaginer la vigueur, la passion et la férocité de la raclée que la mort et le séjour des morts ont reçu avant de se faire dépouiller des clefs de leur Royaume?

Évidemment, ces textes nous parlent avec du langage figuré de réalités indicibles et inexprimables, mais de réalités néanmoins!

La vision qui émerge de l’apparition du Christ resuscité à Jean dans Apocalypse 1.12-20 rassure. Peu importe ce qui arrive, il règne. Il n’y a pas de persécution qui excède son contrôle: que celle-ci vienne de la loi de l’État ou du mépris de nos voisins. Des tas de choses doivent arriver : que ce soit dans notre génération ou la dernière. Mais Jésus est le vivant. Il tient les clefs de la mort et du séjour des morts. Il tient aussi dans sa main toute-puissante toutes les Églises (Apo 1.20). Il nous dit “Ne crains point!

Jésus est allé là où personne ne peut aller : il est allé à la rencontre des gens brisés. Il est allé à la croix. Il est allé jusqu’au séjour des morts. Jésus peut rejoindre toute personne, quelque soit sa solitude, son problème, son désespoir. Il est allé jusqu’à la croix, jusqu’à l’abysse. Il peut aller jusque chez vous. Il veut aussi que son CORPS (nous!) soit capable de rejoindre ces endroits et ces personnes qui semblent inatteignables.

2.3 Jésus est descendu victorieux pour proclamer aux démons enfermés dans l’abîme que leur défaite était définitive  

Dans 1 Pierre 3.19, nous avons lu dans les points précédents que Jésus est descendu “en esprit” dans un lieu qui s’appelle “la prison” (aussi appelé l’abysse, l’abîme ou encore le Tartare). Cela réfère à la région du “séjour des morts” dans laquelle se retrouve enfermée des démons qui ne respectèrent pas leur propre limite du temps de Noé (Voir Jude 6; 2 Pi 2.4; Luc 8.31; Rom 10.6-7; Apo 9.1). Cette proclamation n’est pas une 2ième chance après la mort, mais c’est une déclaration de la victoire de Christ. C’est une déclaration que ce qui retenait les humains dans la mort, le péché, était maintenant déliés à cause de la mort substitutive de Jésus. Jésus proclame à tous ces habitants des régions inférieures de la terre « qu’il est Seigneur » (Phil 2.10). Désormais, les puissances et les autorités, ces habitants du monde invisible, sont vaincus et n’ont plus l’autorité sur les nations.

Col 2.14-15 : « il a effacé l’acte dont les ordonnances nous condamnaient et qui subsistait contre nous, et il l’a détruit en le clouant à la croix; 15il a dépouillé les dominations et les autorités, et les a livrées publiquement en spectacle, en triomphant d’elles par la croix. » 

Éph 1.20 : « Il l’a déployée en Christ, en le ressuscitant des morts, et en le faisant asseoir à sa droite dans les lieux célestes, 21au-dessus de toute domination, de toute autorité, de toute puissance, de toute dignité, et de tout nom qui se peut nommer, non seulement dans le siècle présent, mais encore dans le siècle à venir ».

2.4 Jésus est descendu victorieux pour « capturer les captifs », c’est-à-dire pour transporter les habitants du sein d’Abraham (situé dans le séjour des morts) jusqu’au troisième ciel, là où Jésus est assis à la droite de Dieu.

La comparaison entre Actes 2.31-32 (où il est dit que l’âme de Jésus était dans le séjour des morts avant sa résurrection) et Luc 23.43 (larron à la croix) montre que le Paradis était dans les profondeurs de la Terre, dans le séjour des morts, puisque Christ a dit au larron qu’il allait être « aujourd’hui » avec lui dans le paradis. Le paradis était donc synonyme avec le sein d’Abraham. Il faut comprendre qu’avant la résurrection, le paradis était situé dans le séjour des morts.

Tandis que les morts avant la résurrection étaient dans le sein d’Abraham à l’intérieur du séjour des morts, ce compartiment a changé de lieu avec la résurrection de Jésus.

Quand Jésus a ressuscité le 3ième jour, il a « emmené des captifs » (litt. ‘il a capturé la captivité’) selon Éph 4.8-10. Il a capturé ceux qui étaient captifs de l’autorité de Satan, des dominations et des trônes. Le Seigneur Jésus a donc transporté les justes qui étaient dans le sein d’Abraham et les a amenés avec lui lors de son ascension au ciel, où il est présentement assis à la droite de Dieu. Depuis la résurrection, ceux qui ont placé leur foi en Jésus ne descendent donc plus dans le séjour des morts, mais vont désormais au ciel dans le paradis, là où le paradis se trouve désormais comme Paul l’affirme lui-même en 2 Cor 12.2 et 4.

Maintenant, ceux qui sont morts dans la foi sont « au ciel », là où Dieu règne. Ambroise résume bien quand il dit : « Car la vie consiste à être avec le Christ : où est le Christ, là est le Royaume ».

En somme, le paradis est un lieu transférable parce que c’est la présence de Christ qui fait de la réalité un paradis. Le larron fut avec Christ dans le paradis/le sein d’Abraham dans le séjour des morts lors du vendredi saint et Paul a visité le Paradis au 3ième ciel là où Christ réside présentement (2 Cor 12.2, 4; Phil 1.21-26; 3.20). De même, les saints de toute éternité entreront au paradis dans la Nouvelle Jérusalem parce que l’agneau (le Christ) va y demeurer pour toujours (Apo 2.7; 21.22; 22.1-5, 14). Là où est Jésus, là se trouve le Paradis.

Donc non seulement le paradis a déménagé du séjour des morts vers le Seigneur lors de la descente, de la résurrection et de l’ascension du Seigneur, mais il déménagera encore quand le ciel descendra sur Terre (Apo 21-22)!

Et 1 Pierre 4.6 là-dedans? Ce très curieux passage se lit comme suit : « Car l’Évangile a été aussi annoncé aux morts, afin que, après avoir été jugés par les hommes quant à la chair, ils vivent selon Dieu quant à l’Esprit ». Ce passage est très difficile à comprendre, mais en voici une explication à la lumière de ce qui a été expliqué précédemment.

En contexte, l’apôtre Pierre exhorte les chrétiens à tenir bon face aux païens qui les persécutent. Ces non-chrétiens « rendront compte à celui qui est prêt à juger les vivants et les morts » (1 Pierre 4.5). Christ est le juge des vivants et des morts, donc ces injustes auront des comptes à lui rendre. Quand Pierre dit « après avoir été jugés selon les hommes quant à la chair », il fait référence non pas aux non-chrétiens persécuteurs, mais aux gens de foi de tous âges qui ont été jugés par les non-chrétiens et qui ont été persécutés, maltraités et martyrisés : ces gens de foi ont été « jugés selon la chair », c’est-à-dire que le monde et les non-chrétiens les ont maltraités. À ces gens de foi persécutés et qui en sont morts sans recevoir le prix de leur foi, la bonne nouvelle a été annoncée. Donc même en étant MORTS, les morts en Christ sont VIVANTS dans l’espérance qu’à la fin des temps ils reviendront à la vie.

Si je paraphrase, voici la compréhension que je suggère : Car la bonne nouvelle a été aussi annoncé aux gens de foi qui sont morts avant que le Christ ne resuscite, afin que, après avoir été condamnés par les hommes selon des jugements qui ne viennent pas de Dieu, ils vivent selon ce que Dieu a déclaré par la puissance de la résurrection de Jésus.

Bref, ce passage ne dit pas que Jésus est allé prêcher l’évangile pour offrir une 2ième chance à ceux qui ne se sont pas repentis sur terre. Jésus est allé annoncer la bonne nouvelle aux gens de foi comme Abraham qui avaient placé leur espérance dans l’Éternel mais qui ne savaient pas ce que Dieu allait accomplir en Jésus. Jésus est allé leur annoncer la bonne nouvelle de la résurrection. Ce n’est pas une 2ième chance après la mort, mais c’est l’espérance de tous les croyants qu’ils seront avec Christ dans la vie, morts ou vivants, même s’ils ont reçu un jugement de mort par les hommes sur Terre avant que la résurrection du Christ soit connu.

2.5 La descente victorieuse du Christ est illustrée dans le baptême du croyant quand celui-ci, plongé dans l’eau, déclare qu’il est passé de l’autorité de Satan à celle de Christ

Dans sa descente, Christ a vaincu Satan et l’a dépouillé de son autorité (Apo 1.18; Col 2.14-15). Quand un nouveau croyant entre dans les eaux du baptême, il proclame qu’il renonce à Satan et à ses œuvres et qu’il participe à la victoire de Christ par son union à Jésus. C’est l’assurance que désormais, le chrétien est associé à l’autorité de Jésus pour accomplir la mission de témoigner de son nom jusqu’à ce qu’il revienne (Matt 16.18; Matt 28.20). Jésus, dans sa descente, est allé chercher toute l’autorité que son Église a besoin pour accomplir sa mission.

CONCLUSION

La doctrine biblique de la descente du Christ a été décrite par Selwyn comme « la première partie du triomphe de Christ et non pas la conclusion de ses souffrances. » Ce n’est pas le fond du baril de son humiliation, mais le début de sa conquête victorieuse et totale sur les puissances du mal.

Lorsque nous chantons que Jésus « est descendu jusqu’aux ténèbres », nous ne sommes pas en train de dire que Jésus a été tourmenté dans le séjour des morts comme un damné, mais que Jésus est descendu victorieusement dans le séjour des morts (1) pour dépouiller Satan, la mort et le séjour des morts de leur autorité (Apo 1.18), (2) pour capturer les captifs, c’est-à-dire transporter le sein d’Abraham du séjour des morts vers le ciel (Éph 4.8-10; 1 Pi 4.6; Luc 23.43; 2 Cor 12.2, 4), (3) pour proclamer sa victoire totale aux démons, aux autorités, aux trônes et aux dominations (1 Pi 3.18) et (4) pour obtenir l’ autorité sur les nations qui appartenaient à Satan afin de se former une église composée de gens issues de tous les peuples, langues et nations (Matt 16.18; Matt 28.18-20; Éph 1.19-23; 4.8-10). Amen!

Tous ces passages tentent de décrire l’indescriptible, « des paroles ineffables qu’il n’est pas permis à un homme d’exprimer » (2 Cor 12.4). Jésus est Seigneur et il a réellement conquis Satan. Il a anéanti toutes ses œuvres : la loi, le péché, la mort, le séjour des morts, le monde et le chair.

Ce que Jésus a dit à Jean, il le dit encore à son Église au 21ième siècle :

« N’ayez pas peur. Je suis le premier et le dernier, et le vivant. J’étais mort; et voici, je suis vivant aux siècles des siècles. Je tiens les clefs de la mort et du séjour des morts. »

rédigé par Marc-André Caron (ancien à l’Église évangélique de Chicoutimi) en 2021 et mis à jour en avril 2023 .


[1] Dans cet article, je reprends l’exégèse avancé par Justin W. Bass dans sa thèse de doctorat de 2011 intitulé « The Battle for the Keys : Revelation 1:18 and Christ’s Descensus ad Inferos ». J’ai aussi interagi avec l’article de Matt Emerson « Christ’s Descent to the Dead », https://www.thegospelcoalition.org/essay/christs-descent-dead/