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L’imposition des mains?

Qu’est-ce que la Bible enseigne sur l’imposition des mains?

À plus de soixante reprises dans l’AT et le NT, nous retrouvons des références à « l’imposition des mains ». Cliquez ici pour voir la liste de ces références que j’ai compilées avec l’aide du logiciel biblique Logos. La liste n’est pas tout à fait exhaustive, mais presque.

Cette pratique n’est jamais directement expliquée dans les Écritures, mais elle est tellement présente à travers le canon qu’il est possible d’en déduire le sens. Si la Parole de Dieu est notre seul guide en matière de foi et de pratique, alors, comme peuple de Dieu, nous voulons comprendre et vivre l’imposition des mains.

Ramone, "His Hands (Laying on Love)"
Ramone, “His Hands (Laying on Love)” Tiré de : http://art-for-jesus.blogspot.com/2007/11/his-hands-laying-on-love.html

Un mot sur les dérives et les abus possibles

La pratique de l’imposition des mains, comme n’importe quoi, est sujette à être mal comprise et abusée.

D’un côté, pensons à la pratique de l’ordination dans les grandes traditions historiques chrétiennes : l’ordination confère une grâce particulière à ceux qui sont ordonnés (et qui entrent dans les « ordres » : e.g., la prêtrise, le pastorat, un ordre religieux). Par l’imposition des mains, leur nature même changerait à ce moment! Après l’ordination, les prêtres catholiques peuvent administrer les sacrements. Nul besoin de dire que l’ordination, telle que comprise dans l’Église romaine, n’est pas biblique, créée deux sortes de chrétiens et renie la doctrine de la prêtrise universelle de tous les croyants[1].

D’un autre côté, les mouvements charismatiques contemporains attribuent un sens quasiment magique à l’imposition des mains. Ainsi, en priant et en imposant les mains dans le nom de Jésus, c’est comme si l’Esprit-Saint coulait plus directement, ce qui garantirait ensuite une guérison physique ou une destinée.

Un autre piège serait, en réaction à la peur des abus et des dérives, de reléguer ce sujet aux oubliettes, de refuser de l’étudier et de ne pas le vivre. Si on refuse de s’intéresser à un sujet biblique afin de se protéger de ses dérives possibles, on ne vit pas l’équilibre biblique, mais on est en train de se débarrasser des rats de notre maison avec une bombe nucléaire. Oui il n’y a plus de rats, mais il n’y a plus de maisons …

Donc, la solution biblique pour se protéger des abus et des dérives n’est pas de mettre la pratique biblique de l’imposition des mains aux oubliettes, mais d’étudier la Bible, d’en comprendre les principes et de se tenir à l’intérieur de ceux-ci en reconnaissant qu’ils sont les paramètres qui nous permettent de vivre dans la bénédiction de Dieu. Bref, « ecclesia semper reformanda est », l’Église doit toujours être réformée.

Un résumé du sens biblique de l’imposition des mains : un accompagnateur de la prière

Je vais commencer cette exploration en affirmant d’entrée de jeu ce que je comprends de cette pratique : l’imposition des mains est un accompagnateur de la prière, tout comme le jeûne ou l’onction des malades sont des accompagnateurs de la prière (i.e., mettre de l’huile sur la tête d’un malade–Jacques 5.14)[2].

L’imposition des mains accompagne la prière en tant que geste signalant physiquement ce qui se produit spirituellement. L’imposition des mains, en d’autres mots, c’est une prière incarnée, une façon de prier avec ses mains (enacted prayer)[3]. C’est une façon de demander à Dieu sa grâce pour la personne à qui les mains sont imposées. Puisque l’imposition des mains accompagne la prière, c’est la prière en question qui détermine la sens de la bénédiction demandée à Dieu. L’imposition des mains est donc une façon tangible de désigner un individu pour une bénédiction particulière qui dépend du contenu de la prière et du contexte. Voici un survol des nuances de l’imposition des mains selon les contextes bibliques :

1) Les patriarches imposent les mains pour désigner le ou les héritiers recevant la bénédiction (Gen 48.18).

2) Les Israélites qui offrent des holocaustes, des sacrifices d’actions de grâce et des sacrifices d’expiation imposent les mains à l’animal sacrifié afin de s’identifier avec lui (Lév 1.4; 3.2; 4.4).

3) Les Lévites (i.e., les prêtres de l’AT) imposaient les mains au bouc-émissaire lors du Jour des Expiations pour transférer le péché et la culpabilité du peuple vers l’animal (Lév 16, en particulier vv. 21-22). L’imposition des mains désigne ici non pas l’objet de la bénédiction de Dieu, mais de sa malédiction.

4) Moïse impose les mains à Josué pour le désigner comme son successeur (Nombres 27.18, 23; Deut 34.9).

5) Le peuple d’Israël impose les mains aux Lévites pour les mettre en service (Nombres 8.10). Le peuple, par ce geste, désigne les Lévites comme leur représentant auprès de Dieu. Par la suite, les Lévites représentent le peuple à leur tour lors des sacrifices et en particulier lors du Jour des Expiations (voir le sens #3).

6) Jésus impose les mains lorsqu’il guérit (Matt 9.18; Marc 5.23; 6.5; 7.32; 8.23; Luc 13.13).

7) Jésus impose les mains lorsqu’il bénit les enfants (Matt 19.13-15; Marc 10.16).

8) Les apôtres imposent les mains aux Samaritains, à Paul et à des juifs d’Éphèse afin qu’ils reçoivent l’Esprit-Saint (Actes 8.17-19; 9.17; 19.6).

9) Les apôtres de Jérusalem imposent les mains aux 7 diacres pour les reconnaitre publiquement et officiellement dans leur fonction (Actes 6.6).

10) Les anciens d’Antioche imposent les mains à Barnabas et à Saul pour les mettre à part pour l’œuvre missionnaire (Actes 13.1-3).

11) Les responsables des Églises (apôtres ou anciens) imposent les mains à ceux qui sont désignés pour des fonctions particulières (1 Tim 4.14; 5.22; 2 Tim 1.6).

En somme, l’imposition des mains accompagne la prière :

  • Pour guérir;
  • Pour bénir (e., demander la grâce de Dieu sur quelqu’un);
  • Pour mettre à part pour un service particulier dans l’Église;

Bref, elle communique l’idée générale de la bénédiction ou de l’acte de bénir. Elle est un signe tangible pour demander la bénédiction de Dieu.

L’imposition des mains dans l’Ancien Testament

À la fin de sa vie, Jacob désigne celui qu’il bénit en lui mettant sa main droite sur la tête : « Joseph vit avec déplaisir que son père posait sa main droite sur la tête d’Éphraïm; il saisit la main de son père, pour la détourner de dessus la tête d’Éphraïm, et la diriger sur celle de Manassé. 18Et Joseph dit à son père: Pas ainsi, mon père, car celui-ci est le premier-né; pose ta main droite sur sa tête » (Gen 48.17-18). On comprend ici que l’imposition des mains n’est pas magique, mais qu’elle est une façon naturelle que Jacob utilise pour désigner tangiblement la personne qu’il bénissait. La puissance est en Dieu, non pas dans les mains d’un individu.

Plus de la moitié des occurrences de l’expression « imposer les mains » se retrouvent dans le Lévitique, dans le contexte des sacrifices et du Jour des Expiations.

Nombres 8 discute du processus pour mettre en fonction les Lévites et les sanctifier pour le service. Une partie de ce processus incluait l’imposition des mains par le peuple!

« Tu feras approcher les Lévites devant l’Éternel; et les enfants d’Israël poseront leurs mains sur les Lévites. » Nombres 8.10

Le peuple, par ce geste, désigne les Lévites comme leur représentant auprès de Dieu. Par la suite, les Lévites représentent le peuple à leur tour lors des sacrifices et en particulier lorsqu’ils imposent les mains au bouc lors du Jour des Expiations.

Les Israélites, lorsqu’ils offraient différents sacrifices (e.g., holocaustes, sacrifices d’actions de grâce, sacrifices d’expiation) imposaient les mains à l’animal sacrifié afin de s’identifier avec lui (Lév 1.4; 3.2; 4.4). L’imposition des mains communiquait la capacité substitutive de l’animal qui prenait la place de celui qui l’offrait. L’acte symbolisait le transfert du péché de l’adorateur vers l’animal.

« Si son offrande est un holocauste de gros bétail, il offrira un mâle sans défaut; il l’offrira à l’entrée de la tente d’assignation, devant l’Éternel, pour obtenir sa faveur. 4Il posera sa main sur la tête de l’holocauste, qui sera agréé de l’Éternel, pour lui servir d’expiation. » Lévitique 1.3-4

Les Lévites (i.e., les prêtres de l’AT) imposaient les mains au bouc-émissaire lors du Jour des Expiations pour transférer le péché et la culpabilité du peuple vers l’animal (Lév 16, en particulier vv. 21-22). L’imposition des mains désigne ici non pas l’objet de la bénédiction de Dieu, mais de sa malédiction[4]. Ici, ce n’est pas tout le peuple qui impose les mains à l’animal, mais c’est le grand-prêtre de l’année qui le fait en tant que représentant de tout le peuple. C’est dans ce texte que la logique de la substitution et du transfert de la culpabilité sont clairement expliquées (tandis que c’est un peu moins clair dans Lév 1.4, par exemple).

« 20Lorsqu’il aura achevé de faire l’expiation pour le sanctuaire, pour la tente d’assignation et pour l’autel, il fera approcher le bouc vivant. 21Aaron posera ses deux mains sur la tête du bouc vivant, et il confessera sur lui toutes les iniquités des enfants d’Israël et toutes les transgressions par lesquelles ils ont péché; il les mettra sur la tête du bouc, puis il le chassera dans le désert, à l’aide d’un homme qui aura cette charge. 22Le bouc emportera sur lui toutes leurs iniquités dans une terre désolée; il sera chassé dans le désert. » Lévitique 16.19-22

C’est ce sens de l’imposition des mains comme en tant que transfert de culpabilité vers la victime sacrificielle qu’il faut comprendre dans Hébreux 6.1-2 :

« C’est pourquoi, laissant les éléments de la parole de Christ, tendons à ce qui est parfait, sans poser de nouveau le fondement du renoncement aux œuvres mortes,  2de la foi en Dieu, de la doctrine des baptêmes, de l’imposition des mains, de la résurrection des morts, et du jugement éternel » Hébreux 6.1-2.

En disant  « les œuvres mortes, de la foi en Dieu, de la doctrine des baptêmes, de l’imposition des mains », l’auteur d’Hébreux rappellent des éléments centraux du culte de l’ancienne alliance qui mettaient la table à la pleine réalité en Christ de la nouvelle alliance. Ici la « doctrine des baptêmes » fait probablement référence aux ablutions et aux lavements rituels de l’ancienne alliance reliée à la pureté. « L’imposition des mains » fait probablement référence à l’imposition des mains sur les sacrifices d’animaux qui symbolisaient le transfert de la culpabilité. L’auteur d’Hébreux est en train de dire: « Laissons ces choses derrières et allons vers Christ, qui a été sacrifié une fois pour toute pour nous sauver parfaitement » (Héb 7.25) !

Finalement, Moïse impose les mains à Josué pour le désigner comme son successeur (Nombres 27.18, 23; Deut 34.9).

« 15Moïse parla à l’Éternel, et dit: 16Que l’Éternel, le Dieu des esprits de toute chair, établisse sur l’assemblée un homme 17qui sorte devant eux et qui entre devant eux, qui les fasse sortir et qui les fasse entrer, afin que l’assemblée de l’Éternel ne soit pas comme des brebis qui n’ont point de berger. 18L’Éternel dit à Moïse: Prends Josué, fils de Nun, homme en qui réside l’esprit; et tu poseras ta main sur lui. 19Tu le placeras devant le sacrificateur Éléazar et devant toute l’assemblée, et tu lui donneras des ordres sous leurs yeux. 20Tu le rendras participant de ta dignité, afin que toute l’assemblée des enfants d’Israël l’écoute. 21Il se présentera devant le sacrificateur Éléazar, qui consultera pour lui le jugement de l’urim devant l’Éternel; et Josué, tous les enfants d’Israël avec lui, et toute l’assemblée, sortiront sur l’ordre d’Éléazar et entreront sur son ordre. 22Moïse fit ce que l’Éternel lui avait ordonné. Il prit Josué, et il le plaça devant le sacrificateur Éléazar et devant toute l’assemblée. 23Il posa ses mains sur lui, et lui donna des ordres, comme l’Éternel l’avait dit par Moïse. » Nombres 27.15-23

On voit dans Nombres 27 que l’imposition des mains est utilisée par Moïse pour désigner tangiblement son successeur spirituel. L’imposition des mains communique donc physiquement la réalité spirituelle. Elle affirme par le un toucher « voici le nouveau berger du peuple » (v. 17).

Dans Deut 34.9, on voit aussi que l’imposition des mains est utilisée comme une métonymie***. Une métonymie est une figure de style par laquelle on remplace un terme par un autre terme qui lui est lié. Par exemple, « boire un verre », « la Maison-Blanche », « Moi, mes souliers ont beaucoup voyagé ». Dans Deut 34.9, « poser ses mains » vient résumer tout ce qui s’est passé dans Nombres 27.15-23.

« 9Josué, fils de Nun, était rempli de l’esprit de sagesse, car Moïse avait posé ses mains sur lui. Les enfants d’Israël lui obéirent, et se conformèrent aux ordres que l’Éternel avait donnés à Moïse » Deut 34.9

On comprend que c’est un geste tangible qui identifie l’objet de la bénédiction. Dans ce cas, Moïse et Josué avec leur modèle de gouvernance à un seul homme selon le décret de l’Éternel ne sert pas de modèle à l’Église, car Dieu a établit que l’Église serait dirigée par une collégialité d’anciens. On retient cependant le modèle de l’imposition des mains en tant que façon de légitimer un service particulier. D’ailleurs, c’est ce qui sera repris dans le NT.

L’imposition des mains dans le Nouveau Testament

1) Par Jésus et les apôtres

L’imposition des mains dans l’AT avait un certain sens et une certaine importance, mais elle prend son sens et son importance parce que le Seigneur Jésus la pratiquait.

L’évangile de Marc mentionne souvent l’imposition des mains en lien avec les guérisons du Seigneur (Marc 5.23; 6.5; 7.32; 8.23, 25). Dans ces occurrences, l’imposition des mains peut se comprendre comme un genre de transfert de puissance (cf. Marc 5.30?) ou encore le don d’une bénédiction particulière, c’est-à-dire d’une guérison.

« Il ne put faire là aucun miracle, si ce n’est qu’il imposa les mains à quelques malades et les guérit. » Marc 6.5

« On lui amena un sourd, qui avait de la difficulté à parler, et on le pria de lui imposer les mains. » Marc 7.32

Jésus utilise aussi l’imposition des mains pour bénir. Puisqu’il est Dieu fait homme, sa bénédiction est puissante et efficace. Si l’on compare la version de Marc avec celle de Matthieu, on comprend bien que le geste d’imposer les mains est une métonymie référant à l’imposition des mains et à la prière dans le but de bénir.

« 13On lui amena des petits enfants, afin qu’il les touchât. Mais les disciples reprirent ceux qui les amenaient. […] Puis il les prit dans ses bras, et les bénit, en leur imposant les mains. » Marc 10.13, 16 « Alors on lui amena des petits enfants, afin qu’il leur imposât les mains et priât pour eux. Mais les disciples les repoussèrent. […] leur imposa les mains, et il partit de là » Matt 19.13, 15

Après l’ascension du Seigneur Jésus, les apôtres et les disciples reçoivent l’Esprit de Jésus afin qu’ils puissent être ses témoins (Actes 1.8). Les apôtres et les disciples sont désormais les « mains de Jésus ». On voit alors que les apôtres et les disciples guérissent par le toucher ou par l’imposition des mains (Actes 5.15-16; 9.12, 17; 14.3; 19.11; 28.8)

« Le père de Publius était alors au lit, malade de la fièvre et de la dysenterie; Paul, s’étant rendu vers lui, pria, lui imposa les mains, et le guérit. » Actes 28.8

Aussi, à mesure que l’évangile progresse à partir de Jérusalem, on voit que l’Esprit-Saint est aussi répandu sur d’autres personnes que les premiers disciples juifs, prouvant ainsi que Jésus est réellement Christ et Seigneur et que les non-juifs sont réellement appelés à être sauvé par le messie d’Israël. David Mathis résume ainsi cette idée du don de l’Esprit par imposition des mains comme preuve indubitable de l’inclusion des non-juifs dans l’Église : « à mesure que l’évangile progresse de Jérusalem vers la Judée, puis la Samarie, puis plus loin encore jusqu’aux extrémités de la Terre (Actes 1.8), il plait à Dieu d’utiliser l’imposition des mains des apôtres comme un moyen et un marqueur visible de la venue de l’Esprit parmi des nouveaux peuples et des nouveaux endroits — d’abord en Samarie (Actes 8.17) puis plus loin, à Éphèse (Actes 19.6) »[5].

L’imposition des mains dans les Actes comme moyen pour recevoir l’Esprit n’est pas quelque chose de normatif. Il faut d’abord considérer le caractère révolutionnaire du livre des Actes. Le livre des Actes raconte un phénomène totalement nouveau dans l’histoire de l’humanité : Dieu envoie son Esprit-Saint à son peuple. Ensuite, il y a aussi un deuxième phénomène totalement nouveau, un scandale impensable pour les juifs de l’époque : les païens ont eux aussi accès à l’Esprit de Dieu. La réception de l’Esprit par les païens par l’imposition des mains des apôtres venait ainsi fournir la preuve incontestable qu’ils étaient aussi appelés à appartenir au messie.

« Alors Pierre et Jean leur imposèrent les mains, et ils reçurent le Saint-Esprit ».  Actes 8.17

Le reste des épitres enseigne clairement que désormais l’Esprit-Saint vient habiter automatiquement dans le cœur des croyants au moment de leur nouvelle naissance (voir Éph 1.13-14; 1 Cor 12.12-13).

2) Dans le contexte de l’Église locale

On retrouve dans les Actes et les épitres quelques références qui parlent de l’imposition des mains d’une façon correspondante au sens d’identification et de mise-à-part pour le ministère que nous avons vu dans Nombres 8.10, 27.15-23 et Deut 34.9. Ce sont ces exemples qui nous instruisent le plus directement sur le sens contemporain de l’imposition des mains.

Dans Actes 6, l’assemblée de Jérusalem identifie les 7 diacres, des hommes doués et déjà en service, afin qu’ils solutionnent les soins déficients de l’Église envers les veuves hellénophones :

« Ils les présentèrent aux apôtres, qui, après avoir prié, leur imposèrent les mains. » Actes 6.6

Quelques observations : (1) c’est l’assemblée des disciples qui a sélectionné les 7 diacres.(2) L’imposition des mains ne leur donne pas des dons, mais elle reconnait les dons et le caractère que les 7 possédaient déjà (v. 3). (3) L’imposition des mains par les apôtres accompagnent leur prière. (4) L’imposition des mains est une cérémonie qui, avec son caractère officiel et public, investit ces personnes avec une responsabilité publique et officielle. En somme, cet exemple illustre que l’imposition des mains est utilisée pour mettre à part et bénir (i.e., demander la faveur de Dieu) les 7 diacres pour leur ministère.

Un peu plus loin dans Actes 13.1-3, on lit ceci :

« Il y avait dans l’Église d’Antioche des prophètes et des docteurs: Barnabas, Siméon appelé Niger, Lucius de Cyrène, Manahen, qui avait été élevé avec Hérode le tétrarque, et Saul. 2Pendant qu’ils servaient le Seigneur dans leur ministère et qu’ils jeûnaient, le Saint-Esprit dit: Mettez-moi à part Barnabas et Saul pour l’oeuvre à laquelle je les ai appelés. 3Alors, après avoir jeûné et prié, ils leur imposèrent les mains, et les laissèrent partir. » Actes 13.1-3

On observe que les responsables de l’Église d’Antioche sont déjà en service et que leurs dons et leur caractère sont déjà reconnus (v. 1). L’Esprit dit alors à ce groupe de mettre à part Barnabas et Saul pour ce qui deviendra un voyage missionnaire qui changera la face de l’Église. Le v. 3 décrit comment ces responsables ont obéi à la directive de l’Esprit de les mettre à part par le jeûne, par la prière et par l’imposition des mains. On observe ici que l’imposition des mains accompagne la prière (et le jeûne), afin de signaler publiquement la mission à laquelle Barnabas et Paul sont appelés.

Après que Paul et Barnabas aient rempli cette mission, on lit dans Actes 14.26 :

« De là ils s’embarquèrent pour Antioche, d’où ils avaient été recommandés à la grâce de Dieu pour l’œuvre qu’ils venaient d’accomplir. » Actes 14.26

On retrouve ici en 14.26 l’interprétation inspirée de Luc de ce que signifie la cérémonie de prière, de jeûne et d’imposition des mains qui a eu lieu en Actes 13.3. Quand les responsables d’Antioche ont « jeûné, prié et imposé les mains » à Barnabas et à Paul (Actes 13.1-3), ils les « ont recommandés à la grâce de Dieu pour l’œuvre qu’ils devaient accomplir » (Actes 14.26). Cette œuvre, ils l’ont accomplie dans les chs. 13 et 14. On observe donc ici ce point capital : l’un des sens de l’imposition des mains est de signaler une « mise-à-part » publique pour un service spécial et de demander la bénédiction de Dieu pour l’accomplissement de ce service.[6]

On retrouve un sens similaire dans trois passages des épitres pastorales : 1 Tim 4.14, 1 Tim 5.22 et 2 Tim 1.6. D’un côté, ces passages sont instructifs sur les sens possibles que l’on peut attribuer à l’imposition des mains, mais de l’autre, ils soulèvent des questions que l’insuffisance des données bibliques rend difficile à répondre.

« Ne néglige pas le don qui est en toi, et qui t’a été donné par prophétie avec l’imposition des mains de l’assemblée des anciens » 1 Tim 4.14

En contexte, le chapitre 4 de 1 Timothée est une exhortation passionnée de Paul envers son jeune protégé, Timothée. Paul l’avertit que des faux enseignants séducteurs se montrent à l’horizon (1 Tim 4.1-5), mais Timothée doit enseigner la saine doctrine et insister sur celle-ci coûte que coûte. Il doit progresser aussi en piété afin de bien remplir son service pour le Dieu vivant (4.6-10). Il doit se consacrer à l’enseignement de la Parole et aux soins pastoraux (4.11), il ne doit pas se laisser décourager par le mépris qu’il pourrait recevoir de par sa jeunesse (4.12) et il doit développer ses connaissances avec acharnement (4.13). Du même souffle, Paul lui dit de ne pas « négliger le don qui est en toi ». On peut probablement identifier ce don comme étant connexe à l’enseignement (voir les versets avant et après) ou au don de pasteur-enseignant (cf. Éph 4.11). On note ici que c’est « l’assemblée des anciens » qui a mis-à-part Timothée pour le service. Lors d’une cérémonie publique, le collège d’anciens lui a imposé les mains, ont déclaré la Parole de Dieu (i.e., prophétiser) et l’ont commissionné pour le service de pasteur-enseignant.

Quelqu’un pourrait dire: «ce passage enseigne que l’on peut recevoir des nouveaux dons spirituels lors de l’imposition des mains. » Cette possibilité ne peut pas être totalement exclue (particulièrement avec le parallèle de 2 Tim 1.6), mais je crois qu’il est préférable de comprendre que « le don » fait référence à l’office de pasteur-enseignant. Cet office, Timothée l’occupe depuis qu’il a été désigné ainsi « par prophétie avec l’imposition des mains de l’assemblée des anciens ». D’abord, Éph 4.11 parle des « dons » comme étant des personnes et non pas des capacités. Puis, le parallèle d’Actes 6 et d’Actes 13 démontrent que ceux et celles qui sont sélectionnés pour des fonctions officielles le sont sur la base de leurs dons spirituels préexistants et de leur caractère attesté. Finalement, la prophétie et l’imposition des mains des anciens n’est pas le conduit spécial qui transforme une personne, mais un moyen utilisé pour reconnaitre le don de la personne. La prophétie et l’imposition des mains n’est pas la cause du don, mais sa reconnaissance[7].

Quoique l’exhortation de Paul charge Timothée avec une grande responsabilité de se vouer à l’enseignement, au service et à sa croissance, Timothée doit réaliser qu’il n’est pas seul dans ce combat. La valeur de son ministère et de son appel ont été authentifiés par le collège des anciens : sa douance a été soulignée publiquement et son autorité a été établie officiellement. Il fait partie de l’assemblée du Dieu vivant. Voilà donc une autre importance de la cérémonie de l’imposition des mains : elle vient crédibiliser le commissionné aux yeux de la congrégation et elle vient le rassurer qu’il n’est pas là parce qu’il a envoyé un CV ou parce qu’il avait le désir de jouer au pasteur, mais parce que l’Église du Dieu vivant s’associe à lui et le reconnait. C’est là une « parole certaine et entièrement digne d’être reçue ».

Si un associé de l’apôtre Paul avait bénéficié de cette reconnaissance publique par la prophétie avec l’imposition des mains du collège des anciens, à combien plus forte raison les hommes et les femmes d’aujourd’hui?

Dans le chapitre suivant, Paul instruit Timothée sur le rôle qu’il doit jouer par rapport à ses collègues anciens (1 Tim 5.17-22). Entre les vv. 19 à 21, il lui explique comment honorer les bons anciens et comment réprimander ceux qui sont répréhensibles (cf. 1 Tim 3.1-7). Paul termine avec ce dernier commandement :

« N’impose les mains à personne avec précipitation, et ne participe pas aux péchés d’autrui; toi-même, conserve-toi pur » 1 Tim 5.22

J’apprécie la façon dont David Mathis a  expliqué ce passage :

Quand des leaders comme Paul, Timothée ou d’autres dans l’Église imposent formellement les mains sur quelqu’un en vue d’un appel vers le ministère particulier, ils mettent un sceau d’approbation sur le candidat et ils participent, d’une certaine façon, aux fruits et aux échecs à venir.

Ainsi, imposer les mains c’est l’opposée de se laver les mains comme Pilate avait fait. Quand les anciens imposent les mains à un candidat pour un ministère, ils le commissionnent pour un rôle de service particulier et ils attestent de sa qualité devant ceux qui recevront ses services. [8]

Dans 2 Tim 1.6, on retrouve un encouragement semblable à ce que nous avons lu en 1 Tim 4.14 :

« C’est pourquoi je t’exhorte à ranimer le don de Dieu que tu as reçu par l’imposition de mes mains. » 2 Tim 1.6

Ici, Paul fait peut-être référence à l’occasion discutée en 1 Tim 4.14 dans le cas où il faisait partie de ce collège d’anciens, ou encore d’une autre occasion où Paul aurait prié pour Timothée. Encore une fois, je suggère ici qu’il faille comprendre «ranimer le don que tu as reçu par l’imposition de mes mains » comme «ne pas négliger la fonction que tu as reçu officiellement par l’imposition de mes mains ». Au minimum, on peut aussi dire que la prière accompagnée par l’imposition des mains est une demande de bénédiction à Dieu pour l’accomplissement du ministère. Le verset suivant nous aide à comprendre que le «don » implique une certaine posture de fougue dans l’Esprit-Saint : « Car ce n’est pas un esprit de timidité que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d’amour et de sagesse » (2 Tim 1.7). Je retiens de ce verset qu’il s’agissait d’un moment important et significatif du parcours de Timothée. C’est sans doute un moment marquant duquel il tirait de l’encouragement dans le présent. Peut-être se disait-il en y réfléchissant:  « Je ne peux pas abandonner, car j’ai reçu mes capacités et ma mission de Dieu et elles ont été reconnues par les anciens et l’Église! »

Ce que l’imposition des mains n’est pas[9]

À la lumière de ce survol des textes bibliques pertinents, il faut retenir ces mises en garde afin de demeurer dans l’équilibre biblique dans notre compréhension de l’imposition des mains.

  • Imposer les mains à un ancien/diacre/missionnaire n’est pas une ordination (un changement « d’ordre » ou une altération de la nature même d’un chrétien par rapport aux autres chrétiens), c’est une reconnaissance publique d’une certaine responsabilité officielle dans l’Église.
  • L’imposition des mains n’est pas magique et elle ne donne pas une grâce particulière de façon automatique. C’est une façon de prier avec son corps afin de demander la grâce de Dieu. Par exemple, la prière avec imposition des mains n’est pas 25% plus efficace.
  • L’imposition des mains n’est pas un « transfert d’autorité » ni le moyen de recevoir une autorité spirituelle irrévocable ou un permis de ministère à vie. E.g., un pasteur-roi qui désigne son successeur par imposition des mains, ou encore un pasteur-roi qui croit avoir le droit d’être dans le ministère sur la base d’un appel irrévocable.
  • L’imposition des mains ne confère pas des dons, elle reconnait la douance et le caractère qui existe déjà.
  • L’imposition des mains est reliée à la prière publique quand l’assemblée prie en tant que corps et à la demande passionnée de la bénédiction de Dieu. Ce n’est pas uniquement relié à la reconnaissance du leadership.
  • L’imposition des mains n’est pas un sacrement, ni une autorisation à prêcher, ni une façon de désigner un successeur. Si l’imposition des mains est perçue comme un sacrement donnant automatiquement une grâce, alors voici les fausses doctrines qui jailliront :
    • L’imposition des mains sera utilisée pour se vanter, pour se tirer un rang et pour se réclamer une autorité spirituelle.
    • L’imposition des mains sera utilisée pour se donner le droit d’être « dans le ministère » dans tous les contextes, coûte que coûte, même à vie et peu importe les disqualifications (1 Tim 5.19-21).
    • L’imposition des mains sera utilisée pour faire des distinctions malsaines entre les « laïcs » et les « prêtres/pasteurs/ordonnés » : « Je suis spécial car …», « je ne peux pas servir, car je n’ai pas reçu l’imposition des mains », « ne touche pas l’oint de l’Éternel », « on ne peut pas me remettre en question, car je suis un chrétien d’élite qui a reçu l’imposition des mains de Billy Graham » et autres pensées charnelles qui menacent le sacerdoce de tous les croyants tout en glorifiant la chair.

Conclusion

Quand les chrétiens prient en imposant les mains à quelqu’un, ils demandent de façon tangible la faveur de Dieu pour la personne à qui les mains sont imposées. Le jeûne, la prière « normale », ou l’onction d’huile ne garantissent pas ce qui est demandé. De la même manière, l’imposition des mains n’est pas une technique spirituelle secrète pour contraindre Dieu à livrer la marchandise. Dieu nous a créés avec des corps et l’imposition des mains est une façon tangible de communiquer la grâce de Dieu à quelqu’un qui en a besoin.

Quand les anciens prient avec imposition des mains pour un candidat au service dans l’Église (e.g., ancien, diacre, missionnaire, responsable quelconque), ils viennent devant Dieu dans un esprit de prière avec toute l’assemblée afin de:

  1. Mettre à part le candidat pour le service,
  2. Demander à Dieu sa bénédiction pour le service du candidat.

L’imposition des mains est donc une façon de prier avec son corps pour la « mise-à-part » d’un leader qualifié destiné à un ministère spécifique et une attestation de sa capacité à servir les autres. [10] C’est une affirmation publique que la personne en question est un don de l’Esprit-Saint à l’Église pour le ministère et une demande de la bénédiction de Dieu sur ces hommes-dons. L’imposition des mains se produit dans le contexte de :

  • La mise-à-part pour le service des anciens (1 Tim 5.22)
  • La mise-à-part pour le service des diacres (Actes 6.6)
  • La mise-à-part pour le service des missionnaires (Actes 13.1-3)
  • Lorsque la guérison est demandée en prière ou pour bénir quelqu’un (Marc 10.13, 16; Actes 28.8)

L’imposition des mains n’est donc pas magique et ne permet pas de récolter automatiquement des dons supplémentaires ou une guérison sur-le-champ. En effet, il s’agit simplement d’une façon de prier pour attester publiquement et officiellement du caractère d’un individu et de le recommander à la grâce de Dieu, afin que cela serve d’encouragement lors des moments plus difficiles (1 Tim 4.14; 2 Tim 1.6). C’est une affirmation qu’un serviteur de l’Église n’est pas un loup solidaire, mais qu’il participe à une collégialité à laquelle il est redevable (1 Tim 5.22). C’est une façon de recommander à la grâce de Dieu les hommes et les femmes mise-à-part pour des services officiels et publics dans l’Église. C’est une façon de rendre visible une réalité invisible par un acte public, officiel et devant la congrégation[11].

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RÉFÉRENCES

Sauf exception, la version de la Bible utilisée dans ce texte est LSJ1910.

Outre les références ci-dessous, j’ai aussi utilisé  NIDNTTE et NIDOTTE.

[1] L’article de Toews est instructif sur les dérives qu’il y a eu dans l’histoire avec le développement de « l’ordination », la sacramentalisation du ministère et la ‘perte’ du ministère de tous les croyants: John E. Toews, « Rethinking the Meaning of Ordination : Toward a Biblical Theology of Leadership affirmation », Conrad Grebel Review 22/1, 2014, p. 21-23.

[2] David Mathis, « The Laying on of Hands », https://www.desiringgod.org/articles/the-laying-on-of-hands”, Desiring God, 8 février 2018.

[3] Everett Ferguson, « The Laying On of Hands : Its Significance in Ordination », The Journal of Theological Studies NS 26/1, 1975, p. 2.

[4] L’exemple de Lév 24.14 est assez fascinant : « Fais sortir du camp le blasphémateur; tous ceux qui l’ont entendu poseront leurs mains sur sa tête, et toute l’assemblée le lapidera ». Tous ceux qui avaient entendus le blasphémateur blasphémer le nom de Dieu devait mettre leurs mains sur sa tête. Le simple fait d’entendre le nom de Dieu prononcé en vain rendait l’auditeur coupable! Ceux qui entendaient le blasphème devaient donc mettre leurs mains sur la tête du blasphémateur pour renvoyer la contamination au blasphémateur, puis exécuter la lapidation.

[5] David Mathis, « The Laying on of Hands », https://www.desiringgod.org/articles/the-laying-on-of-hands”, Desiring God, 8 février 2018.

[6] Ferguson, « The Laying On of Hands », p. 12.

[7] Robert W. Yarbrough, « The Letters to Timothy and Titus », PillNTC, Grand Rapids, Eerdmans, 2018, p. 251.

[8] David Mathis, « The Laying on of Hands », https://www.desiringgod.org/articles/the-laying-on-of-hands”, Desiring God, 8 février 2018.

[9] John E. Toews, « Rethinking the Meaning of  Ordination », p. 21-23.

[10] David Mathis, « The Laying on of Hands », https://www.desiringgod.org/articles/the-laying-on-of-hands”, Desiring God, 8 février 2018.

[11] David Mathis, « The Laying on of Hands », https://www.desiringgod.org/articles/the-laying-on-of-hands”, Desiring God, 8 février 2018.